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Penser ensemble

À l'heure de l'IA, cultiver  la friction, le doute et la créativité partagée.

Chères curieuses, chers curieux,

Les élèves que nous accueillons aujourd’hui n’ont pas choisi de se trouver au cœur de l’une des plus grandes transitions de l’histoire de l’éducation. Ils sont nés dans un monde où l’intelligence artificielle tient dans une poche, où un téléphone ou un ordinateur portable offre une puissance cognitive sans précédent. Un clic, et l’essai s’écrit, l’équation se résout, la carte conceptuelle s’organise.

Face à cela, nous, éducateurs, parents, cherchons encore le mode d’emploi.

Les IA ont été conçues pour fluidifier, pour supprimer la friction, pour accélérer. Or, l’apprentissage, lui, se nourrit de lenteur et de résistance. C’est dans la zone d’inconfort - entre confusion et clarté - que l’élève construit réellement du savoir. Quand l’IA supprime cet espace, elle fragilise la possibilité même d’apprendre.

Trop d’énergie est consacrée aujourd’hui à tenter de “détecter” ou de “policer” l’usage de l’IA. C’est une illusion. L’énergie que nous investissons à surveiller pourrait être réorientée vers une question plus féconde : comment créer des expériences d’apprentissage qui demeurent profondément humaines, même dans un monde où l’IA existe ?

 

Peut-être que “LA” question n’est pas juste “quoi enseigner”, mais fondamentalement comment... Et aujourd’hui de manière décuplée.

On parle beaucoup de “compétences du futur”, de métiers qui n’existent pas encore. Mais l’essentiel est ailleurs : nous savons déjà quelles compétences sont vitales et le resteront.

👉 Lire vraiment. Pas juste scanner une page web, mais s’immerger dans un texte, comprendre ses nuances, débattre d’une interprétation.

👉 Questionner les sources. Dans un monde saturé d’informations et de fake news, savoir d’où vient une donnée, qui la porte, pourquoi elle est là, est vital.

👉 Penser de manière créative. Relier des idées qui n’avaient rien à voir, imaginer des solutions inédites, bricoler, expérimenter.

👉 Penser de manière complexe. Découper un problème complexe en petites étapes, comprendre un système dans son ensemble, voir comment les pièces s’imbriquent.

👉 Développer une “numératie” élargie. Interpréter des statistiques, évaluer des proportions, manier des données de manière critique.

👉 Savoir argumenter. Comprendre comment un discours fonctionne, convaincre, écouter, contre-argumenter.

👉 Avoir une conscience historique et culturelle. Relier le passé au présent, comprendre comment les regards se construisent selon les cultures, prendre de la perspective.

Ces savoir-faire ne sont ni gadgets, ni “soft skills”. Ils constituent des fondamentaux.

Donc transformer la classe en “zone d’action” !

Si les devoirs traditionnels peuvent être externalisés à l’IA, alors il est temps d’accepter que l’essentiel doit se jouer dans la salle de classe.

 

Cela signifie :

  • Des ateliers d’écriture collective où les idées se confrontent et se transforment.

  • Des cercles de raisonnement mathématique où l’on explique, on critique, on reformule.

  • Des débats vivants où chacun apprend à défendre, écouter, ajuster.

  • Des enquêtes historiques où les sources se croisent et se contredisent.

  • Des défis créatifs où l’intelligence collective dépasse celle des machines.

 

Dans ces espaces, le rôle de l’enseignant change : il n’est plus celui qui transmet un savoir fini, mais celui qui orchestre des expériences intellectuelles où la friction devient moteur de croissance.

Il y a une magie dans la rencontre des intelligences humaines, dans le fait de penser ensemble, de s’affronter aux complexités, d’ajuster ses idées au contact de celles des autres. Cette magie-là, aucune IA ne peut la remplacer.

C’est cela que nous devons protéger et cultiver encore et encore: des classes qui ne soient pas des lieux de simple production, mais des espaces de pensée partagée.

L’éducation n’est pas en train de disparaître. Elle est en train de se réinventer. Plutôt que de craindre l’IA, offrons aux élèves ce dont ils ont le plus besoin : l’expérience du doute, de l’effort, du débat, de la créativité collective.
Car l’avenir de l’éducation n’est pas une compétition avec l’IA. Il est dans la célébration de ce qui fait notre humanité : penser ensemble. Les élèves attendent qu’on leur donne des espaces d’action, des lieux où apprendre redevient une expérience humaine, incarnée, exigeante et joyeuse.

 

Quelques pistes dans cette newsletter. Bonne lecture…

L’IA a été conçue pour supprimer la friction et accélérer les processus. Or l’apprentissage, lui, se nourrit de lenteur et de résistance. C’est dans l’inconfort - entre confusion et clarté - que se construit le savoir.

Explorer, c’est accepter cette tension et poser les vraies questions :

  • Comment éviter que l’IA ne court-circuite l’effort nécessaire à l’apprentissage ?

  • Comment déplacer notre énergie du contrôle (détecter, surveiller) vers la création de situations d’apprentissage irremplaçablement humaines ?
     

💡 Ressource  :Les moteurs efficaces de la réussite systémique (Michael Fullan, 2021, CSE)

Michael Fullan, chercheur canadien reconnu en sciences de l’éducation, propose dans ce rapport une lecture lucide des dérives actuelles de l’école. Il met en évidence ce qu’il appelle les « moteurs inefficaces » et propose de ne pas céder à l’illusion du contrôle ou de l’efficacité immédiate, il nous invite à créer des expériences d’apprentissage profondément humaines, fondées sur la coopération, le bien-être et la pensée collective.

👉 Télécharger le rapport complet en français (CSE) https://deep-learning.global/wp-content/uploads/2021/05/FULLAN-VERSION-4-CSE-French.pd

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Si les devoirs traditionnels peuvent être externalisés à l’IA, l’essentiel doit désormais se jouer dans la salle de classe.

Quelques pistes :

  • 🔢 Cercles de raisonnement mathématique : expliquer une solution, interroger les démarches des autres, confronter les erreurs.

Math Circles (Harvard / Berkeley) : approche centrée sur le raisonnement collectif et les problèmes ouverts.

  • Débats vivants : apprendre à défendre, écouter, ajuster son point de vue.

Cartographie des controverses : Une méthodologie qui ​​permet d’analyser un sujet précis, comprendre ses enjeux et surtout connaître les différents points de vue autour de celui-ci et savoir le maîtriser face à des adversaires. Tout cela avec pour objectif d’affiner ses propres compétences dans le débat. https://controverses.sciences-po.fr/archive/biocarburants/controverse_carto/index.html

Kialo Edu : plateforme gratuite pour organiser des débats structurés et cartographier les arguments. Kialo Edu
https://www.kialo-edu.com/fr

  • 📚 Enquêtes historiques : croiser et contredire les sources, développer un esprit critique.

Démarche d’enquête expliquée en histoire : https://cybersavoir.cssdm.gouv.qc.ca/universsocialprim/demarche-denquete/

L’enquête expliquée aux élèves

https://view.genially.com/613b5c59aed4ed0db1d33603/interactive-content-quest-ce-quune-enquete

Cahiers pédagogiques – Enseigner l’histoire autrement

Des articles qui proposent des pistes concrètes pour engager les élèves dans des démarches d’enquête et de controverse. Cahiers pédagogiques – Dossiers Histoire
 

  • 🌟 Défis créatifs : générer des solutions collectives qui dépassent ce qu’une IA peut proposer.
    IDEO School Kit for Design Thinking : ressources pour initier les élèves au design thinking par projets.

https://f.hubspotusercontent30.net/hubfs/6474038/Design%20for%20Learning/IDEO_DTEdu_French_v2_toolkit+workbook.pdf

  • 💡 Ressource pratique : un prompt pour donner à l’IA le rôle d’assistant de classe, non de producteur :

"Tu es mon assistant de classe.  

Je veux organiser une activité où les élèves débattent sur [thème].  

Propose-moi :  

1. Trois questions ouvertes qui suscitent le débat.  

2. Des contre-arguments pour nourrir la discussion.  

3. Une manière de clore le débat en valorisant les apprentissages. "

 

Le futur de l’éducation ne se joue pas dans une compétition contre l’IA, mais dans la célébration de ce qui fait notre humanité : penser ensemble.

Devenir expert, ce n’est pas “maîtriser l’IA”, mais apprendre à :

  • Créer des espaces où la friction devient un moteur de croissance.

  • Protéger la magie des intelligences qui se rencontrent.

  • Installer des rituels de pensée collective qui donnent goût au doute, à l’effort et au débat.
     

💡 Ressource : The Power of Making Thinking Visible (Ritchhart & Church, Harvard, 2020) — une référence pour ancrer durablement la pensée partagée dans les classes. À mettre dans toutes les mains éducateurs ou leaders…

📖 Livre incontournable (en anglais) qui montre comment transformer la salle de classe en un espace où la pensée est partagée, documentée et approfondie.

 

🎶Et avant de se quitter un peu de musique

Une chanson à savourer pour remercier, respirer… et repartir.

👉🎧 Bleu Soleil & Luiza – Soleil Bleu

🙏 Merci d’avoir pris ce temps pour vous.
Avec engagement et joie,

 

L’équipe EDHUMAN 🌱

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